Interview: cinq minutes avec Dina Mascret-Bina, responsable des archives à la Bibliothèque Universitaire du campus de Dijon

Aujourd’hui c’est Dina Mascret-Bina, qui nous éclaire sur son activité de responsable des archives à la Bibliothèque Universitaire sur le campus de Dijon. Après une carrière bien remplie au sein de laquelle l’ennui n’a jamais eu sa place, Dina Mascret-Bina revient avec  nous sur son parcours professionnel.

 oeil-vignette2 Poledocumentation – Cinq minutes avecDina Mascret-Bina, responsable des archives en bibliothèque universitaire

Vous êtes conservatrice de bibliothèque à l’Université de Bourgogne, en quoi consiste votre travail au quotidien ?

Le travail d’un conservateur en bibliothèque universitaire comporte plusieurs aspects. Le premier, c’est la conservation des documents qui, même à l’époque du numérique, a encore une certaine importance. Par exemple aujourd’hui on trouve toujours quelques cassettes, mais il est de plus en plus difficile de trouver des appareils permettant de les lire. On doit donc trouver des solutions à travers des moyens de conservation adaptés. Cette première mission de conservation est la plus ancienne, celle qui est à l’origine du métier.
Ensuite il y a une seconde mission qui consiste à gérer toutes les collections d’ouvrages ; les disposer au mieux au public pour qu’il les ait facilement à disposition, pour que les gens s’y retrouvent. Il faut trouver une disposition harmonieuse, notamment pour tous les livres que l’on met en accès libre. Le travail de signalétique est ainsi constamment repensé. Ce travail passe également par la mise en valeur des collections, par le biais d’expositions, fréquentes dans le hall du bâtiment de la bibliothèque Droit-Lettres de l’uB. On organise nos propres expositions mais parfois on accueille également des collections extérieures.
La mise en valeur de tous ces documents passe aussi par la formation des usagers à la recherche documentaire qui est un axe qui se développe de plus en plus. Mon rôle personnel est donc surtout axé sur cette formation des étudiants à la recherche documentaire car je trouve très intéressant de transmettre un savoir concret et puis d’initier les étudiants aux richesses de la bibliothèque. Malheureusement, ce qui nous désole, c’est que nous avons de véritables trésors dans tous les domaines et que les étudiants ne sont pas forcément au courant. Pour ce faire, nous avons mis en place trois ateliers, qui fonctionnent un peu à la carte, c’est très important:
appliquer la méthodologie documentaire à un sujet de son choix
présenter plus en détail l’interrogation des bases de données
découvrir un logiciel bibliographique ; Zotero, permettant de réaliser une bibliographie très facilement. C’est magique !
Nous intervenons également à la demande des enseignants qui souhaitent former leurs étudiants à cette recherche documentaire. En effet, cette formation marche encore mieux lorsqu’il y a une entente quasi-parfaite entre des enseignants demandeurs et des bibliothécaires volontaires.
Nous travaillons également régulièrement en partenariat avec l’UFR lettres-langues.
Cependant nous constatons et déplorons un petit peu que les étudiants ne soient pas toujours très réceptifs ou conscients face à tous les outils que l’on met à leur disposition, aussi bien pour la recherche documentaire que pour les documents eux-mêmes. D’autant plus que l’on a la chance de pouvoir proposer d’années en années des services toujours plus intéressants, donc c’est dommage de ne pas en profiter !

 

Donc l’idée de votre principale mission en tant que conservatrice de bibliothèque, dans l’idéal, serait peut-être de faire en sorte que la formation à la recherche documentaire devienne une matière à part entière ?

Voilà, alors plutôt une initiation, un accompagnement. L’idée ce n’est pas d’avoir quelque chose « en plus », mais plutôt « avec » une discipline. C’est très important ! Il est en effet essentiel pour nous de permettre à l’étudiant de trouver sa propre opinion, son esprit critique en lui permettant de varier ses sources. On ne peut se fier qu’à un seul document pour une recherche ; ce document pourrait contenir une information erronée, ou bien ne pas être objectif. Certes nous le guidons à travers sa recherche documentaire par la mise en œuvre de guides et tutoriels documentaires, mais il doit appliquer cela à des cas concrets dans des domaines qui l’intéressent personnellement.

Pour résumer, aujourd’hui je dirais que le rôle actuel d’un bibliothécaire c’est surtout être un formateur. Cet aspect pédagogique me plaît car il y a l’idée de faire vivre la bibliothèque tout en s’assurant de rester en phase avec les programmes présents et proposés sur le campus.

 

Comment s’organise la bibliothèque universitaire (droit-lettres) de Bourgogne  pour gérer ses 280 000 ouvrages?

Nous utilisons plusieurs logiciels pour gérer le fonds de la bibliothèque: Absys Net est outil professionnel qui nous sert à gérer les documents. Nous passons commande grâce à un logiciel qui s’appelle Electre. Il s’agit d’une importante base de données commerciales où paraissent chaque semaine tous les livres édités en langue française. Soit on passe commande directement en ligne, soit on utilise LivreHebdo. C’est une revue similaire à Electre, mais en version papier . Ensuite lorsque l’on reçoit les livres, on leur met une cote. Pour ce faire, on utilise un outil d’indexation basé sur la technique de Melvil Dewey. Cette cote va permettre de retrouver un ouvrage sur un rayon. Une fois que la cote est apposée sur l’ouvrage, nous l’envoyons à nos collègues qui sont chargés de situer les ouvrages dans le Sudoc. C’est un catalogue collectif à toutes les bibliothèques universitaires françaises et dans lequel elles répertorient tous leurs ouvrages.Une fois que c’est localisé dans le Sudoc, ça part à l’équipement ; le livre est couvert, protégé.

 

Il me semble qu’il existe des exemplaires disponibles en salle, d’autres en « magasin », pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces deux types d’exposition ?

Le magasin c’est la « grande tour » du campus, on y trouve les ouvrages qui ne vont pas être consultés très fréquemment ; livres d’art énormes ou encore des documents de référence.
Dans la salle, au contraire, il va y avoir les dictionnaires, les manuels, les grands auteurs dans des domaines tels que la psycho ou le droit.

 

Avant d’arriver à ce poste actuel, quel a été votre parcours?

J’ai une formation de littéraire ! J’ai fait une licence de lettres modernes à la faculté de Lille. Ensuite j’ai fait une licence d’espagnol car j’avais beaucoup de mal à choisir entre les lettres modernes et l’espagnol, que j’aimais énormément. Et puis, plus tard, j’ai aussi fait un diplôme de cambodgien.
Je me suis rendue compte que j’aimais enseigner mais je n’avais pas très envie d’en faire un métier, d’être tout ma vie dans un milieu d’enfants ou d’adolescents. J’avais envie de travailler avec toutes les tranches d’âge pour varier donc je me suis tournée vers les bibliothèques. Alors en1975 j’ai passé et obtenu le concours de bibliothécaire adjointe, comme on le nommait à l’époque. J’ai préparé ce concours à Dijon. Une fois ce diplôme en poche, je me suis retrouvée à Paris  où j’ai passé 4 ans à la bibliothèque du musée de l’Homme et dont je garde un très très bon souvenir car j’ai adoré y travailler. C’était passionnant car ouvert sur le monde. Je ne pouvais pas rêver de mieux! J’y étais responsable du service des périodiques et acquisitions sur l’Asie du Sud-Est.
Ensuite j’ai souhaité revenir en Bourgogne. J’ai donc trouvé un poste à la Banque départementale de prêts de la Côte d’Or. C’était très différent car il s’agissait ici d’aller dans les communes de moins de 20000 habitants avec un bibliobus pour desservir des écoles, des dépôts, des petites bibliothèques municipales, etc… Il fallait aussi mettre en place un travail avec les enfants. Ça a été un travail très varié et vivant qui nécessitait beaucoup d’autonomie et de responsabilités car chaque bibliothécaire avait un secteur bibliographique précis sous sa responsabilité. Au bout de ces années, j’ai décidé de passer les concours de conservateur et de bibliothécaire. C’était en 1993  et j’ai préparé ces 2 concours à Dijon avec BibDiestre qui est un organisme de formation aux métiers des bibliothèques.
J’ai obtenu ces deux concours et j’ai choisi de m’orienter vers le métier de conservatrice. Je me suis retrouvée pour 18 mois à l’École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèque à Lyon. Durant ces 18 mois d’école j’ai effectué un stage dans une grande bibliothèque municipale lyonnaise. Au terme de ces mois de formation, il n’y avait pas de poste à Dijon donc je suis retournée à Paris, où j’ai exercé à la Banque Nationale de France. J’occupais un poste à l’accueil. Puis j’ai été nommée à bibliothèque universitaire de Lyon II à Bron où j’étais chargée de collections de psychologie, et ce durant 4 années.
C’est là qu’a commencé mon parcours de « formatrice » car le directeur voulait donner cet aspect à la bibliothèque  grâce à la mise en place de techniques de formation.
En 1999 /2000 je suis rentrée à Dijon où il n’y avait pas encore de service de formation de ce genre. J’ai été contactée par M. Marchetti, directeur du service commun de documentation qui m’avait formée aux concours de bibliothécaire et de conservateur. J’ai décidé de lui proposer par moi-même mes services de formation, pédagogie, méthodologie. Il me dit « vas-y, je te donne le feu vert, tente ta chance ! ». Je suis allée voir les doyens des UFR en leur proposant mes services de formatrice, ce qu’ils ont accepté. Pendant 10 ans j’ai donné des cours, aux étudiants, de formation à la recherche documentaire. J’ai aussi énormément appris aussi bien des étudiants que des enseignants. C’en est suivie la mise en place, grâce à des subventions du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, d’un campus en ligne spécialisé dans la formation documentaire et regroupant une dizaine d ‘universités françaises. Il y a aussi eu la mise en place de formation en ligne et aussi en présentiel (L1 espagnol, anglais sur 3 ans). Nous avons ensuite travaillé avec le SFAD  (Service de Formation à Distance). On avait ensuite mis en ligne sur notre portail un cours intitulé « savoir chercher », qui a été enlevé début 2015. Cependant il y a à nouveau une page de formation sur le nouveau portail qui est dorénavant plus efficace, plus courte, et plus simple.
Il faut savoir se renouveler, coller le plus près possible aux demandes des usagers qui ne sont pas des spécialistes de l’information-documentation, c’est un subtil dosage !

 

Quels moyens avez-vous privilégié lors de vos recherches d’emploi ou de stage ?

Je n’ai pas vraiment connu ces démarches car je n’ai pas eu de difficultés puisque j’ai obtenu des concours de la fonction publique. Encore aujourd’hui la filière d’État  est la plus sûre pour avoir un travail. Ce n’est pas pareil pour la filière territoriale où on doit démarcher par soi-même les bibliothèques pour trouver un poste. Il y a aussi les concours de la ville de Paris qui sont des concours spéciaux organisés par la ville.

Pour aider les jeunes qui se destinent au concours de bibliothécaire, il y a le site Biblioconcours , qui dépend de la bibliothèque de Paris. Il aide à la préparation de passage de concours pour bibliothécaire. Les élèves passant par le DUT peuvent passer le BIBAS qui est un concours qui leur est réservé. C’est une formation très technique qui ouvre beaucoup de portes. Cependant, on a vu le nombre de postes diminuer même s’il n’y a jamais eu beaucoup d’offres.
Aujourd’hui, selon moi, la bonne formation à suivre est la suivante: le concours du CAPES de professeur-documentaliste.

Quels conseils pour des jeunes qui cherchent à intégrer le marché du travail ?

Il faut se vendre, se faire connaître, savoir se prendre en main. Tout n’arrive pas tout seul ! Surtout en ce moment où il y a une crise de l’emploi. Je recommande de tout tenter, tout passer et au bout de 4 ans dans un corps on peut passer au corps supérieur. Pour passer un certain nombre de ces concours il faut montrer qu’on a fait de stages pour montrer que ça nous plaît vraiment, que l’on sait où l’on va et ce que l’on veut. Les stages sont très importants. Il faut aussi garder à l’esprit que des places pour le service civique se débloquent, et on y pense pas toujours.

 

Propos recueillis par Camille Delbray.

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