Entretien autour du « Social Selling » avec Mathieu-Claude CHABOUD, de l’ESC Dijon

Diplômé en Langues, International MBA et Docteur en Management, Mathieu-Claude Chaboud est Professeur associé du Département Marketing du Groupe ESC Dijon Bourgogne (www.escdijon.eu).

Il a précédemment effectué une carrière dans diverses industries (jeu vidéo, informatique de gestion, secteur de la défense), avant de devenir consultant, puis professeur. « Mon parcours a été marqué par beaucoup d’international, en gestion de projets et de prestataires, en vente et organisation de projets industriels complexes plutôt B2B ».

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Quels sont les enseignements que vous proposez actuellement aux étudiants de l’ESC Dijon ?

Enseignant et chercheur au département Marketing, je suis actuellement responsable des spécialisations Marketing du programme Bachelor de l’ESC Dijon, où je supervise également les cours d’études de marché. Pour ma part, je donne, outre des cours fondamentaux de Marketing, des cours plus spécialisés notamment liés à mon expérience professionnelle tels qu’International Marketing Management ou Video Game Markets and Marketing, ce dernier dans le cadre du semestre « Excellence in Pedagogy » qui regroupe des enseignants experts internationaux (venant du monde entier et d’institutions prestigieuses telles que Harvard, Lomonosov Moscow State University, ou encore L’université de Ferrara en Italie pour ne donner que quelques exemples), sélectionnés pour donner à nos étudiants accès à des ressources rares sur des sujets pointus.

Utilisez-vous les médias et réseaux sociaux ?

J’utilise les réseaux sociaux uniquement dans un but professionnel, principalement Linkedin. Celui-ci me sert notamment à trois choses :

  • Garder le contact avec l’ensemble des contacts professionnels qui ont émaillé ma carrière, pas besoin de conserver des données de contact (toujours changeantes) pour plusieurs centaines de personnes ce qui serait une gageure.
  • Ensuite, obtenir des informations en continu, pertinentes, sur les mouvements de chacun, ou sur l’actualité des sociétés et des sujets que je désire suivre.
  • Finalement, c’est un très bon relai de communication qui me permet d’annoncer des évènements à condition de ne pas en abuser.

Je ne suis pas en charge de cours sur ces sujets précisément et, donc, mes préconisations pour mes étudiants sont relativement liées aux domaines spécifiques que j’aborde. L’un des éléments importants à mes yeux néanmoins, est l’atteinte d’une masse critique de contacts et les mesures actives sans désir, ou besoin, de retours immédiats avant l’usage instrumental des réseaux sociaux afin de bénéficier de leur impact.

C’est le cas pour les campagnes de crowdfunding par exemple, mais aussi de communication dans les projets de produits à forte visibilité et implication communautaire comme les jeux vidéo. Dans ce dernier exemple, il n’est pas rare que la communication se fasse dès la conception du jeu, avec des visuels très préliminaires, on peut alors tenter de construire sa communauté en même temps que le produit.

Le produit, lorsque cela est possible, peut ainsi bénéficier des apports de la communauté, la difficulté (classique en Marketing) est alors de ne pas déplaire à tous en essayant de satisfaire des demandes inconciliables, mais de gérer avec finesse la satisfaction pour passer d’une relation communautaire à un acte final d’achat.

J’imagine que vous entendez de plus en plus parler de « Social Selling » ou de prospection via les médias sociaux, notamment en B2B. Quelle est votre vision d’enseignant sur le rôle que peuvent jouer la direction, les équipes marketing et la force de vente dans une stratégie de « Social Selling » ?

Les médias sociaux sont un formidable outil de prospection, par contre, si l’on n’est pas en mesure de bénéficier de solutions de gestion de ces contacts, on se heurte à la problématique traditionnelle de la prospection : l’accès à de très nombreux clients potentiels peut devenir en lui-même un péril faute de pouvoir qualifier ces prospects.

De même, l’instrumentalisation du réseau social dans un but de ventes pourra se heurter, et se heurtera de plus en plus, à l’habitude des contacts de ce type d’instrumentalisation. Confrontés à de plus en plus régulières demandes à visées commerciales de l’ensemble de leur réseau de contacts, les professionnels risquent de banaliser négativement ceux-ci, qui se transformeront de facto en ‘spam’.

C’est là que des stratégies sont nécessaires avec des actions de qualification permettant de ne réellement attaquer que les bons contacts, en nombre raisonnable, au bon moment, et non pas tous, tout le temps. La direction et les équipes Marketing et Ventes doivent rester sur leurs fondamentaux en termes de campagnes de prospection et de capacités d’exploitation ultérieures. Il faut donc refuser la tentation de considérer le Social Selling comme une solution nouvelle et magique à la question de la prospection et de la vente ; c’est plutôt, et c’est déjà beaucoup, un formidable facilitateur dont la culture, incluant la pérennisation et la gestion sociale de ces contacts, doit faire partie intégrante des métiers de la vente.

Les étudiants vous semblent-ils ouverts à l’utilisation des médias sociaux pour prospecter ?

Oui, les étudiants sont totalement en prise et en phase avec les médias sociaux. Cependant, ils sont aussi dans l’illusion de la toute-puissance de ces moyens. Il faut donc orienter leur énergie et leur expertise, qui est réelle, dans des schémas de fonctionnement qui intègrent ces moyens tout en restant gestionnaires des autres paramètres du marketing et de la vente qui restent assez incontournables.

Je donnerais comme exemple celui des retours très nombreux qui sont rendus possibles par l’utilisation des réseaux sociaux et de la difficulté parfois extrême des entreprises à servir les marchés ainsi créés. C’est certes là un problème que de nombreuses entreprises aimeraient avoir, mais ce cas de figure, classique des préventes dans le cadre des campagnes de crowdfunding, peut être très dommageable en termes de réputation, en générant de la frustration et des preuves négatives concernant les capacités de l’entreprise.

Auriez-vous un exemple « d’astuce » ou d’entreprise dont la stratégie « online » vous a interpellé ?

Principalement utilisable par les start-ups, dont la légitimité n’est pas mise en péril par leurs changements rapides, assimilés à de l’agilité, les annonces de modification de stratégie sur les réseaux sociaux professionnels sont d’assez puissants outils. En effet, elles donnent une visibilité à l’entreprise, à son agilité, tout en informant la clientèle, B2B donc, d’une offre qu’elle ignorait souvent.

Les ‘likes’ et commentaires sont autant d’occasions de toucher des deuxièmes et troisièmes degrés de relation qui pourront découvrir une solution innovante à des problèmes qu’ils rencontrent. Le ‘recentrage’ de la start-up est alors potentiellement ressenti comme une compréhension supérieure des problèmes rencontrés, ressenti un peu erroné bien entendu, mais psychologiquement puissant: « Ils ont compris mon problème (ce que personne, même pas eux ne faisait avant), ils changent en fonction de cette nouvelle vision, ils correspondent à mon besoin très précisément, ce que ne font (sans doute) pas les autres (qui n’annoncent pas un tel changement d’orientation) »…

Votre avis : le retour sur investissement et les réseaux sociaux, trop compliqué ? Doit-on vendre à tout prix ou profiter des médias sociaux pour mieux connaître, mieux échanger avec sa cible ?

Non, le retour sur investissement n’est pas trop élevé, à condition que l’investissement soit raisonnable et que les fondamentaux du Marketing et de la Vente ne soient pas oubliés. Les réseaux sociaux sont des outils bien trop puissants pour être ignorés, faute de quoi on perd ce qui n’est plus un avantage concurrentiel mais bien une nécessité absolue. On ne peut simplement plus en faire l’économie.

Vendre à tout prix n’est jamais la bonne solution, plus d’information, plus de contact, donc les réseaux sociaux, doivent permettre de vendre mieux et plus efficacement, et au final, de vendre plus. Le plus, c’est bien sûr l’interaction, si celle-ci doit être raisonnable afin de ne pas s’enferrer dans une illusion d’écoute totale de son réseau, illusion qui sera inévitablement trahie, les bénéfices de la co-construction de l’offre seront immanquablement de réels avantages lors de la démarche de vente, spécialement en B2B.

 

 

Mathieu-Claude CHABOUD sur LinkedIn
ESC Dijon : www.escdijon.eu

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